
Il y a 30 ans, j'ai pleuré. C'était le 21 F évrier 1987. Il était un peu plus de 10h40 et je pleurais à chaudes larmes. C'était un tel mélange d'émotions que je ne pouvais pas m'en empêcher. De toute façon, je n'en avais pas envie. Je pleurais d'épuisement (une nuit blanche correspondant à 12 heures de travail intense et sans péridurale). Je pleurais de fierté devant ce minuscule bout d'homme que je venais de mettre au monde. J'avais bien compté tous tes doigts, tes doigts de pied, tes oreilles, tes yeux, tes bras, tes jambes et tu étais PARFAIT. Je pleurais d'inquiétude pour l'avenir à court terme. Quand allais-tu sortir de cette couveuse où on t'avait enfermé si peu de temps après t'avoir enlevé de mes bras ? Je pleurais d'inquiétude pour l'avenir à long terme. Allais-je arriver à m'occuper de toi correctement ? Serais-je une bonne mère ? Serais-tu un bon fils ? Comment allions-nous nous entendre ? Pourrais-je te protéger autant que je le souhaitais ? Je pleurais de la tristesse et de la peur de quitter le monde de mon enfance pour entrer dans le monde de ton enfance. D'un seul coup, je n'étais plus une « petite fille » de 21 ans 3/4 mais une « Jeune Maman » de presque 22 ans (les quarts ne comptent plus quand on devient maman). Je pleurais aussi de savoir que ce jour était le jour le plus important de mon existence (et de la tienne) et de savoir que, à partir de ce jour et jusqu'à la fin des temps, tu serais mon fils, probablement le premier d'une lignée, mais surtout celui qui aurait toujours un statut à part, mon Aîné. Je pleurais en te regardant dans cette couveuse, sans pouvoir te toucher. Nous avons passé un long moment tous les deux, seuls, à se regarder dans les yeux et je voyais dans ton regard toute la confiance du monde. L'après-midi, je pleurais toujours en entendant tes pleurs à toi à l'autre bout de la maternité alors que je n'avais pas le droit de me lever pour aller vers toi. Je n'ai retrouvé le sourire que le lendemain, quand enfin j'ai pu te prendre dans mes bras et te câliner.
Tu attendais beaucoup de moi et je pense ne pas t'avoir donné autant que je l'aurai voulu et que tu attendais. Cela dit, soit sûr que j'ai toujours essayé de faire de mon mieux.
Du coup, 30 ans après, je pleure. Je pleure de la tristesse d'une mère qui n'a pas revu son enfant depuis un an et demi. Je pleure de savoir l'incompréhension qu'il y a eu entre nous. Je pleure de ne pas savoir si tout va bien dans ta vie. Je pleure de ne pas pouvoir te serrer dans mes bras et te dire combien je t'aime. Je pleure de ne pas pouvoir te parler de mon bonheur d'avoir rencontré, enfin, quelqu'un de bien. Je pleure de ne pas pouvoir partager ma grande nouvelle heureuse de ce jour pourtant si triste pour moi. Parce que la vie est étrange. Depuis un an et demi, elle m'apporte autant de joie que de tristesse, autant de progrès dans mon affirmation de soi que de culpabilité à ne pas savoir l'utiliser pour te parler, autant de pensées positives que de pensées négatives, autant de bonnes nouvelles que de mauvaises nouvelles. Et ce matin, j'avais oublié de mettre mon réveil ce qui m'arrive rarement et la nature m'a réveillée spontanément à 10h41. Quel signe !
Ma seule pensée aujourd'hui c'est que j'ai envie de partager avec toi ces bons et ces mauvais moments et que je suis sûre que je pourrai le faire un jour, quand tu seras aussi prêt que je le suis.
Je profite donc de ce message, que j'espère tu liras, pour t'annoncer cette magnifique nouvelle. Je vais me faire opérer d'ici un mois à un mois et demi. On va me poser un by-pass. Cette décision, je l'ai prise il y a longtemps et ton opinion concernant mon problème de poids m'avait aidé à la prendre. J'espère qu'on pourra partager ma joie que ce projet aboutisse, un jour où l'autre.
Je te souhaite donc un joyeux trentième anniversaire mon fils. Je t'aime et je t'aimerai toujours quoi qu'il se soit passé entre nous quoi qu'il arrive à l'avenir. Quand on est parent on l'est pour la vie et je sais que tu le sais maintenant que tu es papa (et un excellent papa). Je t'embrasse.
Laura-Music-84, Posté le mardi 17 septembre 2019 05:50
Très belle lettre pour ton fils ,j'aurai pu presque l'écrire l'année suivante pour le mien :)